Coup de tonnerre sur le net mercredi 15 avril, Bruxelles accuse Google d’abus de position dominante, une attaque qui pourrait aboutir à une condamnation record du géant américain.
L’enquête a pris cinq longues années. Google est donc accusé de favoriser son service de comparaison des prix au détriment de ses concurrents, Bruxelles lance également une enquête afin de déterminer si le géant américain n’inciterait pas à l’utilisation de ses propres services sur les smartphones fonctionnant avec son système Android. Un enjeu de taille puisque ce système équipe 70% des smartphones dans le monde.
Concrètement, la Commission a adressé à Google une « communication de griefs », la firme peut bien entendu répondre, d’ici à dix semaines, et même procéder à des correctifs, ce qui pourrait éviter des poursuites. Dans le cas contraire, elle s’expose à des contraintes et à une amende qui pourrait atteindre 10% du chiffre d’affaires annuel de Google, soit 6 milliards d’euros.
Les cinq années d’enquête de la Commission ont été ponctuées par un lobbying acharné de Google pour obtenir une voie de sortie négociée à l’amiable, encouragée par l’ancien commissaire à la Concurrence. Des arrangements ont été proposés par Google à trois reprises, sans succès, la dernière fois en mai 2014. Entre temps, le titulaire du poste de commissaire à la Concurrence a changé et la méthode également.
Dans un premier temps, la Commission a eu les plus grandes difficultés à trouver des plaignants, tétanisés à l’idée de s’opposer à Google, puis Microsoft s’est lancé dans la bataille en 2010, rejoint en 2014 par 400 entreprises dont Lagardère et Deutsche Telekom, qui créent l’association, l’Open Internet Project. Autres difficultés, l’évolution permanente des usages des internautes, le contrôle des algorithmes utilisés … Sur ce dernier point, si le service de comparaison de prix de Google est aujourd’hui visé, ce n’est pas le cas de ces autres domaines d’intervention comme les réservations d’hôtels, de vols, la cartographie, la liste est encore longue.
Cette bataille se joue au plus haut niveau des États et Barak Obama s’est transformé en lobbyiste en chef de Google le 13 février dernier avec des déclarations à la fois claires et agressives : « Internet était à nous, nos entreprises l’ont créé, étendu et perfectionné de telle façon que la concurrence ne peut pas suivre. » (…) « A la décharge de Google et Facebook, les réponses de l’Europe en la matière s’expliquent parfois plus par des raisons commerciales qu’autre chose. Certains pays comme l’Allemagne, compte tenu de son histoire avec la Stasi, sont très sensibles sur ces questions. Mais parfois leurs entreprises – les fournisseurs de service qui ne peuvent pas concurrencer les nôtres – tentent surtout d’empêcher nos entreprises d’opérer efficacement là-bas. (…) Et souvent, ce que l’on représente comme des positions nobles sur ces problèmes n’a pour but que le développement d’intérêts commerciaux. »
La déclaration du Président américain est intéressante. L’Amérique aurait, dans un grand geste de bonté, « offert » internet au reste du monde… Ce qui lui donnerait bien entendu tous les droits. Quant à l’Europe, elle ne serait qu’à la recherche de profits faciles. Ou comment simplifier à l’extrême un sujet complexe.
Les prochaines semaines seront sans doute marquées par de nouvelles charges juridiques et la mise en place d’une vaste opération de lobbying de crise, qu’il sera intéressant de décrypter.