Jeudi 6 août, s’est déroulée à San Francisco, une audience particulièrement stratégique pour Uber, la plate forme mondiale de réservation de VTC. Le sujet central est de savoir si les chauffeurs qui utilisent l’application Uber pour être mis en relation avec des clients sont des salariés du géant américain. Son modèle économique est en jeu, son lobbying agressif clairement à l’épreuve.
Quatre chauffeurs poursuivent Uber afin de faire requalifier par le tribunal de San Francisco leur statut en chauffeur salarié, ce qui impliquerait pour Uber d’avoir à leur régler l’ensemble des frais de leur véhicule mais également les différentes charges sociales et de retraite liées au statut de salarié. Une remise en question du modèle économique d’Uber qui repose précisément sur le fait de ne pas employer de chauffeurs mais de les mettre simplement en relation avec des clients par l’intermédiaire de son application mobile.
Shannon Riss-Liordan, l’avocate à l’initiative de la plainte est un ténor du barreau qui a déjà à son actif plusieurs condamnation de sociétés dont le modèle économique était de faire travailler des indépendants. Concernant le dossier Uber, elle ne souhaite d’ailleurs pas s’arrêter à ses quatre clients, elle demande en effet au tribunal de l’autoriser à transformer sa plainte en class-action, elle pourra ainsi représenter tous les chauffeurs d’Uber… Le procès a été renvoyé à plusieurs mois.
Ce procès, un parmi tant d’autres pour Uber, est symbolique d’une nouvelle époque pour le géant américain. Après une première phase de développement agressive et de rupture, avec un lobbying particulièrement offensif, l’entreprise va devoir s’adapter. Elle risque gros dans cette affaire et le phénomène de contagion qu’elle risque d’engendrer dans le monde entier.
Au delà d’Uber, ce sont les nouveaux modèles d’emploi qui sont en question. Le statut de salarié est-il incontournable et les possibilités offertes par le numérique ne devraient elles pas être saisies par les gouvernements pour imaginer de nouveaux statuts un peu comme celui d’auto-entrepreneur en France ?
Aux Etats-Unis, ce débat vient de s’inviter dans la campagne pour les présidentielles. en France, Emmanuel Macron a déjà annoncé un volet dans sa loi numérique qui viserait à réglementer l’économie collaborative. Le risque est de créer, une fois de plus, une loi « fourre-tout », complexe, et qui ne prenne pas vraiment en compte une démarche prospective d’évolution de la relation au travail.
Le lobbying d’Uber devra s’adapter à ses enjeux réglementaires si la société américaine ambitionne réellement d’installer durablement son modèle.
Quant à ses concurrents, ils seraient bien inspirés de s’emparer très rapidement du sujet, pour ne pas subir les dégâts collatéraux d’une démarche politique qui pourrait bien être tentée par un message fort contre « l’ubérisation de la société ». En effet, nous sommes, déjà, à quelques mois de l’élection présidentielle de 2017…