La chancelière est mobilisée dans le cadre du scandale de Volkswagen pour préserver un secteur particulièrement stratégique pour l’économie allemande. Une posture originale en Allemagne où les responsables politiques sont très soucieux de l’indépendance du secteur économique. Mais dans le cas présent, les enjeux sont colossaux.
Le secteur automobile emploie 700 000 personnes et a réalisé en 2014 un chiffre d’affaires de 367,9 milliards d’euros, c’est dire s’il joue un rôle majeur dans l’économie. L’impact pour l’industrie allemande du scandale Volkswagen pourrait en outre dépasser largement les seuls constructeurs automobiles. Il s’agit bien d’un enjeu national qui nécessite une mobilisation des politiques d’Outre-Rhin. La réputation du « made in Germany » ne semble pas encore touchée par cette affaire mais le risque est bien présent.
La situation de Volkswagen est très critique. Rien qu’en amendes criminelles et environnementales aux États-Unis, elle encourt un risque financier de 18 milliards d’euros. À cette perspective il faut ajouter les class action de consommateurs qui pourraient être engagées au niveau mondial et les procédures des différents États concernés. Les coûts d’avocats et d’éventuelles condamnations seront sans aucun doute faramineux. Il faudra également financer les campagnes de rappels massifs des véhicules équipés du fameux logiciel pour les mettre aux normes. L’impact sur le modèle économique de Volkswagen qui reposait sur une confiance aveugle des consommateurs en la qualité de ses produits est difficile à mesurer : son fameux « pricing power » sera-t-il remis en question ? Enfin, les États vont réagir également sur le plan des normes et de leurs politiques d’accompagnement des carburants fossiles, les nouvelles orientations auront des impacts industriels auxquels les constructeurs devront s’adapter. Le coût boursier est déjà énorme pour le groupe puisque ce sont 30 milliards de capitalisation qui ont été détruits depuis le 18 septembre. Son trésor de guerre de 25 milliards d’euros risque de montrer rapidement ses limites face à de telles sommes.
La chancelière doit également faire face à des enjeux de politique intérieure qu’elle ne peut sous-estimer. Volkswagen est un fleuron national, tête de pont d’une industrie automobile particulièrement choyée par les décideurs politiques allemands, notamment ceux de la CDU. Au point que le reproche d’un soutien trop prononcé et aveugle commence à poindre et à entacher l’image d’Angela Merkel, qualifiée par une parlementaire verte de « chancelière de l’automobile ».
Il est exact que, de longue date, les autorités allemandes déploient tout l’arsenal du lobbying pour freiner l’adoption de mesures trop contraignantes pour l’automobile au niveau européen. En 2013, elles ont notamment fait en sorte que de nouvelles normes d’émission restent dans les cartons bruxellois après une lutte acharnée. Quel sera désormais le poids réel de la diplomatie allemande pour contraindre Bruxelles à durcir sa politique vis à vis des énergies fossiles ?
La CDU est également pointée du doigt pour sa connivence supposée avec le secteur automobile. En cause, le soutien de BMW au parti de la chancelière qui lui a fait un chèque (parfaitement légal) de 690.000 euros en 2013. Surtout, il est reproché aux constructeurs automobiles d’embaucher à des postes à responsabilités d’anciens élus ou dirigeants politiques de haut niveau.
Cette crise Volkswagen pourrait donc avoir de multiples répercussions, économiques, politiques mais également diplomatiques.