Après cette élection présidentielle inattendue, pleine de rebondissements et marquée par un renouvellement sans précédent, il est utile de s’interroger sur l’impact de cette nouvelle ère démocratique sur les méthodes d’influence des entreprises et des Fédérations professionnelles.
Une élection qui impose de nouvelles approches
Cette élection présidentielle est certes marquée par l’entrée du plus jeune Président de la République à l’Élysée mais elle souligne également le ras-le-bol des Français vis-à-vis de comportements déplacés de certains élus et de méthodes de travail qui apparaissent en fort décalage avec l’intérêt général.
Les « affaires » qui se sont imposées en fil conducteur de la campagne présidentielle appellent à la réflexion sur les méthodes adoptées par certains élus. Le tort de François Fillon, outre son comportement supposé pendant sa vie politique, a été de nier les faits dans un premier temps puis de faire presque semblant de s’excuser. Bref, il n’a pas vraiment assumé, reportant ses fautes présumées, sur les Juges, le pouvoir en place voire sur une évolution de la perception du corps social. Quant à Marine Le Pen, elle s’est carrément exonérée des obligations de tout justiciable Français.
Les lobbies ont également été fréquemment cités comme des éléments de blocage des réformes dans un pays qui est pourtant, en partie, demandeur de profonds changements. Ces arguments, généralement utilisés par Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen ou Benoît Hamon, n’ont été contredits par aucun autre candidat et, en tout cas, par aucune organisation. Or, les lobbies les plus puissants, jusqu’à présent, ne sont pas forcément ceux qui portent les intérêts des entreprises…
Cette campagne présidentielle, si originale dans sa forme et son issue, appelle en fait de nouvelles approches dans les méthodes d’influence des entreprises et des Fédérations professionnelles.
Vers la fin du « lobbying à la papa » ?
Depuis plusieurs années déjà, les anciennes méthodes d’influence basées notamment sur un recours quasi illimité au carnet d’adresse, semblent être remises en question. Ce « lobbying à la papa » qui fait appel aux cadeaux, aux restaurants étoilés, aux rendez-vous « tarifés » avec des élus ou encore à l’organisation de « colloques » dans les lieux de pouvoir est en passe d’être rangé dans la naphtaline.
Déjà, les lobbyistes qui hantent les couloirs des administrations, des Assemblées parlementaires ou encore des différents lieux de pouvoir de la République, apparaissent un peu « old school » face aux attentes des décideurs publics qui ont évolué au fil des années.
La connivence est de moins en moins acceptée et s’il convient de rester lucide sur des pratiques qui persistent encore, elles apparaissent de plus en plus en décalage avec la capacité d’acceptation des citoyens, la généralisation de nouvelles pratiques éthiques et un monde politique qui change.
De nouvelles méthodes d’influence
Désormais, les influenceurs travaillent sur la conviction et sur les éléments susceptibles de mettre en évidence les effets positifs et négatifs des décisions publiques sur leurs mandants. Le temps d’un travail basé essentiellement sur le contact et le carnet d’adresse est révolu. Les lobbyistes mettent en avant les réalités de leurs clients, ils défendent de plus en plus des messages qui doivent être « incarnés », loin des Livres Blancs qui inondent les étagères (dans le meilleur des cas) des décideurs qui en sont submergés.
L’élection présidentielle a encore suscité des initiatives de la part d’associations patronales qui ont invité des candidats à venir « pitcher » devant leurs adhérents, un terme à la mode qui donne une image de start-up mais qui reste bien inefficace en terme d’influence. Ce genre de barnum met surtout en lumière les candidats mais peu les demandes des Fédérations professionnelles. En outre, la tendance 2017 qui a consisté à privilégier les rencontres courtes n’a pas favorisé le fond des interventions des politiques conviés…
Ces opérations de communication, peut-être utiles, ne doivent pas être confondues avec de véritables démarches d’influence qui doivent s’inscrire sur la durée et se départir d’un goût du spectacle qui flatte l’égo mais laisse de côté l’efficacité. En réalité, nous devons désormais nous interroger sur de nouvelles méthodes d’influence.
Une nouvelle génération d’élus plus exigeante
Contrairement à une idée reçue, les élus et les administrations ne sont pas opposés aux démarches des représentants d’intérêts. Ils en ont même besoin pour se forger une opinion et éclairer des décisions parfois très complexes au regard des enjeux à traiter. Pour que le rôle des lobbies soient bien compris et que leurs apports soient pris en considération, encore faut-il qu’une relation de confiance réciproque se soit établie. Celle-ci ne peut reposer que sur des éléments factuels vérifiables et la mise en place d’une relation saine, basée sur l’éthique.
Une nouvelle génération d’élus est apparue ces dernières années, réticente aux anciennes méthodes d’un lobbying agressif ou basé sur le strict relationnel. Désormais, les élus sont observés, le moindre déjeuner, la moindre décision sont placés en observation par les médias ou les réseaux sociaux. Par exemple, ils sont nombreux à refuser spontanément les cadeaux ou les invitations à déjeuner et à privilégier les rencontres de travail plus traditionnelles.
Le renouvellement sans précédent qui s’annonce à l’Assemblée Nationale ne fera qu’amplifier cette tendance lourde, comme le renouvellement des équipes au sein des cabinets ministériels et des administrations publiques. Les représentants d’intérêts devront en tenir compte et s’adapter à cette nouvelle réalité.
Incontournable lobbying de proximité
Tout ne se passe pas qu’à Paris. Les entreprises et les Fédérations professionnelles ont longtemps été obnubilées par les lieux de pouvoir parisiens. De moins en moins les couloirs feutrés du Parlement ou du Gouvernement sont les endroits où les élus peuvent être véritablement influencés.
Les réformes territoriales, l’apparition de nouveaux pouvoirs décentralisés mais également le fort enracinement des parlementaires sur leurs circonscriptions d’élection, ne peuvent plus être ignorés. L’influence de proximité doit être amplifiée et mieux appréhendée par les différents acteurs économiques.
Un lobbing territorial efficace doit être déployé pour renforcer les actions d’influence. L’influence de masse, désincarnée, les mailings généralisés, ne sont plus efficaces. Un travail de fonds doit être engagé et s’installer sur la durée pour être efficace.
Des méthodes d’influence renouvelées
Si la classe politique est en plein renouvellement, les méthodes d’influence et la façon avec laquelle entreprises et Fédérations professionnelles envisagent leurs relations institutionnelles doivent également subir une remise à plat salvatrice.
Une nouvelle période démocratique s’ouvre, probablement plus tournée vers l’efficacité et la réforme, elle va avoir de multiples répercussions sur des situations bien installées qui seront immanquablement remises en question.