Au gouvernement, Emmanuel Macron est devenu le centre des débats avec une accélération depuis janvier. Le jeune Ministre, à qui tout semble réussir, s’est imposé en à peine plus d’un an comme le symbole d’une gauche condamnée à évoluer et casser ses tabous. Le chemin est encore long…
Emmanuel Macron est devenu maître dans l’art de distiller phrases et postures qui ont le don de choquer la majorité. Mercredi 20 janvier, interviewé par Jean-Jacques Bourdin sur RMC et BFMTV il lâche une petite phrase en apparence pleine de bon sens : « Il ne faut pas oublier que la vie des entrepreneurs est bien souvent plus dure que celle d’un salarié ». Il n’en fallait pas plus pour que les députés des différentes composantes de la majorité présidentielle se répandent dans les médias pour dénoncer ces propos infamants et recadrer le jeune Ministre dont le nouveau dérapage frise une fois de plus, à leurs yeux, la provocation sinon l’insulte.
On notera que les parlementaires et personnalités de gauche qui se sont exprimées avec véhémence et ont animé la fin de la semaine ont remplacé, dans leurs interventions courroucées, le terme « entrepreneurs » par « patrons », sans doute plus en phase avec le verbatim idéologique qui sied à une bonne pensée économique. Surtout, on ne comprend pas bien ce qu’il y a de tellement choquant dans la phrase pour le moins anodine et de simple bon sens du Ministre, même s’il n’est pas très adroit de comparer ainsi entrepreneurs et salariés et de prendre le risque de les opposer.
En fait, il incarne une nouvelle pensée de gauche, plus proche du monde économique et ouverte à l’entreprise qui hérisse les « ultras » de la majorité, enferrés dans un carcan idéologique dont ils ne parviennent pas à se défaire. La réaction suscitée par cette phrase est bien symbolique de la place et de l’image de l’entreprise dans le débat politique : caricaturale. L’entreprise c’est le patron richissime, dont la fortune ne repose que sur une exploitation sans limite de salariés pieds et poings liés, dont la vie est aux mains de ce capitaliste sans vergogne.
Le même jour, l’attitude de trois syndicats dans le dossier de l’ouverture du dimanche dans les magasins FNAC n’a pas générée tant de réactions ni de droite, ni de gauche. Leur position irresponsable de bloquer l’ouverture des magasins quand la direction propose jusqu’à 300% d’augmentation de salaire pour certains dimanches travaillés laisse les politiques de marbre.
Cette journée du mercredi 20 janvier représente bien, me semble-t-il, l’atmosphère de suspicion permanente qui pèse encore sur le monde de l’entreprise. Les politiques rechignent à défendre un monde économique qu’ils connaissent mal et dont ils estiment qu’il y a un risque à le défendre de façon trop marquée publiquement.
Cette situation est également due au comportement encore trop souvent adopté à l’égard du monde politique par les entrepreneurs. Ces derniers pensent, à tort, que les élus ne servent pas à grand chose, qu’ils ne comprennent rien et ne travaillent pas, donc pourquoi perdre son temps ?
Ils rejoignent ainsi d’une certaine façon la très grande majorité des Français qui ne parvient plus à avoir confiance dans le politique, comme le révèlent les résultats de la vague 7 de l’enquête nationale annuelle du CEVIPOF.
Or, le politique est au centre de notre système démocratique, il est le seul à pouvoir engager les réformes dont les entrepreneurs ont besoin pour remettre notre pays sur les rails de la croissance. Les entrepreneurs ne peuvent donc les ignorer, ils doivent travailler au contraire à les convaincre ou, comme les initiateurs de La Transition, s’impliquer eux-mêmes pour changer les choses.
Mathieu Quétel, président de Sountsou