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Union nationale contre le chômage ?

Après le choc des élections régionales, les politiques rivalisent d’idées pour montrer à leurs concitoyens qu’ils ont compris le message et qu’ils entament une mue attendue de tous. C’est le chômage qui semble être la cible principale de cette union transpartisane demandée par quelques uns. 

Les discours de Xavier Bertrand et Christian Estrosi, devenus respectivement président de la nouvelle grande région Nord-Pad-Calais-Picardie et Provence-Alpes-Côte-d’Azur, détonnent avec ceux qu’ils tenaient avant la campagne pour les élections régionales. Il est vrai que, depuis, ils ont eu à affronter un premier tour calamiteux et à fêter une victoire inaccessible sans le retrait du PS pour le second tour. Ce scrutin aura sonné comme une prise de conscience que les deux élus semblent vouloir traduire rapidement en actes concrets.

Xavier Bertrand a été le premier à frapper très fort dans l’entre deux tours avec son tonitruant « Qu’il se taise ! » à l’adresse de Nicolas Sarkozy, dont il semble s’être totalement émancipé. Dès l’annonce de sa victoire, le nouveau président régional a souhaité installer une image différente du politique traditionnel. Et comme des paroles aux actes, il n’y a parfois qu’un pas, il a immédiatement renoncé à ses mandats de député et de maire de Saint Quentin ainsi qu’à ses ambitions de conquête présidentielle nationale. Ainsi, Xavier Bertrand se consacre désormais à plein temps à son mandat régional et à la lutte contre le chômage. Avant même d’être formellement élu par l’Assemble régionale, il a inauguré avec le président de la République un premier monument, acte symbolique d’une union transpartisane qui commence à se dessiner.

L’ancien premier Ministre, Jean-Pierre Raffarin, a quant à lui lancé le mercredi 16 décembre un appel à l’union nationale contre le chômage, immédiatement ponctué, via Twitter, par un lapidaire   mais concret « ok » de l’actuel premier Ministre, Emmanuel Valls. Dans la foulée, l’annonce était faite d’une rencontre entre le président de la République et les nouveaux présidents de Régions autour de la thématique du chômage dès les premiers jours de janvier afin de mettre en place un plan d’actions à partir des exécutifs régionaux.

Vont-ils s’appuyer sur les propositions dévoilées le 15 décembre par Pierre Gattaz dans le cadre de son « état d’urgence contre le chômage » ? En tout cas, le patron du Medef n’a pas perdu de temps en publiant un document de travail très complet qui compile ses propositions : exonération totale des charges sociales pour les bas salaires, nouveau barème pour les indemnités prud’homales, CDI sécurisé pour faciliter les ruptures de contrat de travail…

Le chômage, ce fléau qui ronge la société française, n’est que la partie visible des conséquences de notre système sclérosé de l’intérieur, il faudra vraisemblablement beaucoup plus que quelques mesures ponctuelles pour le résoudre. Néanmoins, le mouvement semble lancé. Durablement ?

Les chiffres de la semaine

Des chiffres encourageants pour le bâtiment, douteux sur les revenus agricoles, préoccupants pour le travail le dimanche, les ventes de Volkswagen ou encore le nombre de fonctionnaires…

0,9

La Fédération française du bâtiment (FFB) estime que le secteur devrait commencer à sortir de l’ornière en 2016 avec une prévision de croissance de l’ordre de 0,9%. Une bonne nouvelle pour une profession sinistrée par la crise dont elle ne voyait pas le bout du tunnel, ainsi en 2015 elle a encore détruit 30.000 emplois et a connu un recul de son activité de 3%. Depuis 2007, le secteur a perdu près de 11% de ses effectifs et son activité s’est effondrée de 21%. Une source d’inquiétude persiste, la raison de cette embellie en fait bien fragile : elle repose sur le dispositif fiscal Pinel et est tirée par la vente de logements neufs. Une situation ténue pour espérer une véritable sortie de crise rapide. L’apprentissage souffre de ces difficultés puisque le secteur en était un gros utilisateurs, il employait 91.000 apprentis en 2009, 72.000 en 2014 et près de 7000 de moins en 2015. Or, et c’est un autre effet collatéral, la politique du gouvernement pour lutter contre le chômage repose sur une politique volontariste en matière d’apprentissage. En outre, un secteur qui n’accueille plus d’apprentis est un secteur qui ne prévoit plus son avenir et qui risque fort de voir les travailleurs détachés encore arriver en masse dans les prochaines années. Un cercle vicieux.

100

Le patronat avait pourtant fait de réels efforts pour tenter de trouver un accord pour le travail du dimanche dans les magasins en application de la loi Macron. Hélas, la CFDT a décidé d’annoncer par voie de presse son refus de signer l’accord peu avant l’ultime réunion de bouclage. Les dirigeants patronaux avaient pourtant accepté des concessions importantes : majoration à 100% du salaire, plafond de 15 dimanches par salarié et par an, 5 jours de repos compensateur, participations aux frais de garde des enfants à hauteur de 30 euros par dimanche travaillé, ainsi que la prise en compte de 60% du prix de la carte de transport.

93

Les salariés de Smart sont une très large majorité à avoir accepté de signer une modification de leur contrat de travail qui leur permettra de passer de 35 à 39 heures de travail hebdomadaire d’ici à 2020. Cette consultation directe des salariés avait lieu après l’opposition de la CGT et de la CFDT à la validation de l’accord initialement proposé par la direction par voie de référendum interne. Si 56% des votants avaient voté pour, une différence d’appréciation notable s’était exprimée entre les ouvriers et les cadres. Les premiers n’étant que 39% à émettre un avis positif. Ce qui avait incité les deux syndicats à ne pas homologuer le projet. Dans ce contexte, l’entreprise ne pouvait que proposer à chaque salarié une modification individuelle de son contrat de travail. 93% d’entre eux a donc signé. 1% des salariés ont refusé de signer, sans conséquence pour leur emploi puisque la direction avait garanti un maintien pour tous en cas de 75% de signatures.

150

La Cour des comptes vient de frapper fort contre le maquis de la TVA. La Cour dénonce dans un rapport les 150 dérogations, toutes plus créatives les unes que les autres, qui permettent de moduler la TVA et de l’adapter en fonction de raisons qui restent bien souvent obscures. Le problème est que ces petits arrangements techniques coûtent chaque année 48 milliards de recettes à l’Etat, une situation quelque peu ubuesque dans un contexte de profonde crise budgétaire. La Cour invite donc le gouvernement à revisiter les régimes dérogatoires ce qui pourrait aboutir à des augmentations dans certains secteurs, une voie qui ne sera vraisemblablement pas explorée dans l’immédiat. En revanche, le gouvernement pourrait s’attaquer avec plus de hardiesse à la fraude à la TVA qui représente tout de même un manque à gagner annuel de 10 milliards.

8,8

L’Insee vient de publier un chiffre incroyable, elle prévoit que les revenus des exploitations agricoles augmentent de 8,8% en 2015, pour le moins un paradoxe lorsque l’on connait la crise traversée cette année par le monde agricole. Cette publication intervient alors que, de son côté, le ministère de l’Agriculture a décidé de reporter à l’été son rapport annuel sur les revenus des exploitations agricoles en raison des erreurs récurrentes qu’il comportait. S’agissant des prévisions de l’Insee, elles sont vivement critiquées par le monde agricole.

0,3

La zone euro crée de nouveau des emplois. Ainsi, au troisième trimestre, le nombre de personnes ayant retrouvé un emploi a augmenté de 0,3%. Certes, le solde reste largement négatif par rapport à la période précédent la crise de 2008, néanmoins, la zone euro s’inscrit à nouveau dans une perspective positive. Allemagne et Espagne sont les moteurs de la création d’emplois. La situation européenne reste très décalée de celle des Etats-Unis qui ont détruit 8 millions d’emplois après la crise de 2008 pour en créer depuis 10 millions, soit un solde positif de 2 millions et un solde supérieur de 2% à la situation d’avant crise. En Europe, les prévisionnistes estiment à 2018, l’année au cours de laquelle nous devrions retrouver notre niveau d’emplois d’avant crise.

14

Le Medef propose de supprimer la totalité des charges sociales sur les bas salaires jusqu’à 1,3 ou 1,5 SMIC afin de relancer la création d’emplois. Une mesure qui pourrait s’étendre sur une période de deux ans après la date d’embauche. Il renoue ainsi avec le dispositif mis en place de 2009 à 2012 pour toute embauche ou renouvellement d’un CDD dans les entreprises de moins de 10 salariés. Le dispositif aurait permis la création de 900.000 emplois. Cette fois, le Medef envisage une extension aux entreprises de moins de 250 salariés.

40

Les effets du scandale Volkswagen ne cessent de se répercuter sur les constructeurs automobiles. Cette fois c’est de la commission de l’environnement du Parlement européen (ENVI) que vient le signe de défiance. Elle vient de rejeter par 40 voix la décision du 28 octobre des vingt-huit Etats membres et de la commission de Bruxelles qui prévoyait d’autoriser les constructeurs à dépasser les seuils « Euro 6 » de rejet de d’oxyde d’azote pour l’homologation des véhicules neufs à partir de septembre 2017. Ce dépassement pouvait atteindre un facteur maximal de 2,1 jusqu’en 2019, puis de 1,5 à partir de 2020 et au delà. Le Parlement devra confirmer cette décision en réunion plénière pour que la commission soit dans l’obligation de revoir sa copie. Il s’agit d’ores et déjà d’un revers sérieux pour les constructeurs automobiles.

40.200

C’est un sujet sensible en France, le nombre de fonctionnaires continu d’augmenter inexorablement malgré les multiples annonces gouvernementales sur le sujet et les promesses des uns et des autres. Ainsi, en 2014 la progression a encore été de 0,7% soit plus de 40.000 postes créés en tenant compte également des emplois aidés. Les collectivités locales sont les moins vertueuses avec une augmentation de 1,5%. Une situation incompréhensible face à la situation de leurs finances et qui impose de se poser des questions quant aux effets réels des réformes territoriales mises en place afin de créer des synergies… Dans le même temps, de nombreux pays en Europe parviennent à réduire significativement leurs emplois publics.

100

Le trésorier des Républicains est fier de son bilan. Le Figaro rapporte que désormais 100% des membres du Bureau Politique du parti d’opposition paient leurs cotisations contre 20% auparavant. Surtout son plan drastique a permis d’économiser 1 million sur le budget et d’envisager de commencer de régler la dette du parti auprès des banques. Une situation assainie de bonne augure en prévision des dépenses que mobiliseront présidentielle et législatives dans les prochains mois.

Ces dimanches bloqués par les syndicats 

Coup de théâtre entre le patronat et les organisations syndicales dans les négociations visant à mettre en oeuvre le travail du dimanche dans les grands magasins, la branche commerce de la CFDT fait le choix de la radicalisation.

Une situation dont la France a le secret. Emmanuel Macron a évoqué la possibilité pour les enseignes d’ouvrir le dimanche en octobre 2014, depuis la Loi Macron a été votée après des mois de palabres et, à présent, les syndicats mettent tout en oeuvre pour en paralyser l’application faisant fi des considérations économiques et des souhaits des employés qui souhaitent travailler le week end pour gagner plus.

La CFDT a fait le choix de radicaliser un peu plus la situation en communiquant aux autres parties son refus de signer les nouvelles propositions patronales par le biais de l’AFP. on a connu méthode plus constructive pour tenter de trouver un accord.

Cette attitude est d’autant plus surprenante que les concessions patronales pour la mise en oeuvre de la réforme sont réelles : majoration à 100% du salaire, plafond de 15 dimanches par salarié et par an, 5 jours de repos compensateur, participations aux frais de garde des enfants à hauteur de 30 euros par dimanche travaillé, ainsi que la prise en compte de 60% du prix de la carte de transport.

Il reste jusqu’au 23 décembre aux organisations syndicales pour faire connaître leur avis définitif sur le projet d’accord, ces quelques jours seront également utiles pour affiner les discussions. Néanmoins la possibilité de parvenir au consensus semble ténue. En cas d’échec, la loi Macron dispose que les négociations seraient renvoyées au niveau des entreprises.

2016, année de la reprise ?

Les derniers indicateurs publiés par l’Insee en cette fin d’année promettent une croissance retrouvée à hauteur de 0,4% par trimestre d’ici à l’été 2016. Une sorte de remake de tous les rendez-vous manqués de 2015 ou l’annonce d’un réel frémissement économique ?

La reprise n’en fini plus de s’annoncer sans que la France ne parvienne vraiment à se mettre dans son sillage durablement. Pourtant, l’Insee prévoit une croissance du PIB national de 0,4% par trimestre au cours des six premiers mois de l’année, pas de quoi vraiment pavoiser mais nous serions ainsi au même niveau que la zone euro, ce qui constitue en soi une bonne nouvelle.

Dans ses analyses, l’Insee soutient également que la croissance s’est bien installée « durablement » au cours de l’année 2015 avec un 1,1% de moyenne annuelle, les économistes de l’institut estiment que les attentats du mois de novembre ont « marqué un coup d’arrêt » qu’ils évaluent à 0,1 point de PIB.

Les facteurs de cette croissance molle sont bien assez exogènes à la France, nous profitons de la baisse des cours du pétrole, de la reprise plus dynamique chez nos voisins européens et de la dépréciation de l’euro qui donne un petit coup de fouet à nos exportations. Même si ces dernières ont connu un mois d’octobre catastrophique.

L’Insee plaide également sur le rôle du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (Cice). Ainsi, les entreprises retrouveraient à mi-2016 un taux de marge de 31,8%, score jamais atteint depuis la crise de 2008. L’Insee mise également sur une reprise de la consommation des ménages, notamment dans le logement, qui devrait nourrir la reprise de la France.

Sur l’ensemble de l’année 2016, l’Insee entrevoit un taux de croissance de 1% s’installer, nous sommes encore assez éloignés du taux attendu par le gouvernement qui a fait le pari d’atteindre 1,5%. Or, les dérapages des dépenses inscrites dans le budget 2016, dont un grand nombre ne sont pas ou mal financées, les incertitudes liées au terrorisme ainsi que la pré-campagne électorale pourraient venir chambouler ces prévisions un brin théoriques.

Enfin, le taux de chômage ne repassera pas sous la barre des 10% avec un taux de croissance si faiblard. Bref, ces prévisions semblent se nourrir du « cancer français », un manque d’ambition et de volonté de réformes. Une situation qui devient bien coûteuse pour la collectivité et pour chacun de nos concitoyens.

En route pour 2017 ! 

Les élections régionales sont désormais derrière nous, le temps est venu de se lancer dans la bataille des présidentielle et législatives de 2017 qui restent très ouvertes et que les entrepreneurs ont tout intérêt à investir.

Dans quelques semaines la nouvelle loi Macron NOE sera annoncée dans le détail mais elle ne permettra pas de réparer des années d’errements au cours desquelles les entreprises et les entrepreneurs ont été mis à dure épreuve.

Heureusement, les états majors se mettent d’ores et déjà en ordre de bataille afin de préparer les échéances électorales de 2017 qui rebattront nécessairement les cartes même si elles n’aboutissent pas à un changement de majorité.

À partir de maintenant, les entrepreneurs ont tout intérêt à travailler sur leurs propositions et à les rendre publiques afin de participer activement au débat démocratique. Plus leurs idées seront intégrées en amont dans les programmes électoraux, plus elles auront de chance d’être réellement appliquées.

Qu’on ne me dise pas que ce travail est inutile, que les politiques n’écoutent rien etc. Le choc de ces élections régionales laisseront durablement des traces et pourrait également permettre, dans tous les états majors, l’émergence de nouvelles têtes plus modernes et sans doute plus réformatrices que par le passé. Il s’agit donc pour le monde de l’entreprise de se saisir de cette ouverture inespérée pour faire avancer ses idées.

D’un autre côté, les entrepreneurs devraient comprendre que les décisions politiques pourraient encore être pires que ce que nous vivons depuis des années. Certains programmes économiques apparaissent fortement déconnectés de toute réalité voire dangereux pour les affaires.

Il convient donc de se mettre rapidement au travail, les échéances arriveront vite et les états majors ne vont pas attendre les bras croisés.

Les différents courants internes à la majorité de gauche vont s’exprimer et des axes stratégiques pourraient être arrêtés plus vite que prévu afin de mener la bataille sur la durée avec une légitimité retrouvée. L’enjeu pour le président de la République est désormais de réunir la gauche pour espérer être présent au second tour.

Du côté de la droite, on peut imaginer que le calendrier de la primaire puisse être accéléré afin que les dégâts qu’elle ne manquera pas de causer aient un moindre impact sur l’issue du scrutin de 2017. Une étape décisive s’ouvre pour l’opposition qui pourrait aboutir à des règlements de compte sanglants.

Au cours des premières semaines de 2016 commenceront à se dessiner des schémas pour les principaux partis et il sera donc temps de participer à la construction des programmes des uns des autres.

Mathieu Quétel, président de Sountsou

Auteur de la Collection Les Cahiers Experts, le nouveau numéro « Présidentielle 2017 : 10 conseils pratiques pour faire entendre la voix des entrepreneurs » est disponible en téléchargement ici.