Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) vient de rendre une décision inédite dans le dossier Numéro 23 en abrogeant, pour la première fois, l’autorisation d’émettre d’une chaîne de télévision. Cette chaîne fait l’objet de nombreuses interrogations depuis la décision du CSA de l’autoriser en 2012, tant les bonnes fées penchées sur son berceau semblaient nombreuses.
Mercredi 14 octobre, après de longs mois d’instruction et de multiples rebondissements, le CSA a publié une décision d’une grande sévérité à l’encontre de la chaîne de la TNT Numéro 23. Les membres du CSA semblent ainsi vouloir rendre sa dignité à leur institution et affirmer leur indépendance. L’Autorité indépendante avait été la cible de nombreux articles en début d’année au sujet de cette chaîne, dont certains mettaient en cause la neutralité et l’indépendance de ses membres, dont son président Olivier Schrameck. Une situation d’autant plus injuste qu’il ne présidait pas le CSA en 2012 au moment où la décision d’attribuer une fréquence de la TNT à une « chaîne de la diversité » avait été prise.
Curieusement, quelques mois avant la présidentielle de 2012, le CSA lance un appel aux candidatures pour l’attribution de six nouveaux canaux en TNT. Les connaisseurs du dossier affirmeront que cette opération aurait été directement pilotée de l’Elysée. C’est ainsi que quelques semaines à peine avant le premier tour de l’élection présidentielle, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel attribue six canaux à de nouveaux projets, pour l’essentiel portés par des acteurs historiques. Un nouvel entrant attire particulièrement l’attention tant son parcours, son entregent et les multiples soutiens dont ils bénéficient sèment le doute sur les conditions mêmes de l’obtention de cette fréquence : il s’agit de Pascal Houzelot, président de Diversité TV, la structure candidate pour Numéro 23.
Dans son ouvrage « TNT, un scandale d’État », publié en juin 2015, Didier Maïsto, président de Fiducial Média, lui-même candidat à l’époque pour son projet D-Facto, dénonce les dessous de l’attribution des six nouvelles chaînes de la TNT en 2012 et particulièrement le dossier Numéro 23. Rachid Arhab, membre du CSA en 2012, est également revenu sur cette attribution dans son ouvrage « Pourquoi on ne vous voit plus ? » en la critiquant. Ce dossier est hautement politique, François Hollande s’était d’ailleurs engagé, en 2012, à annuler ces attributions de fréquences lors de la campagne présidentielle. Une ambition vite oubliée, grâce notamment, aux analyses de son conseiller audiovisuel de l’époque, qui, par hasard, faisait partie de l’équipe de Numéro 23 venue défendre sa candidature lors des auditions du CSA.
L’annonce, en avril dernier, de la cession de Numéro 23 à NextRadioTV pour un montant de 88,3 millions d’euros, a véritablement mis le feu aux poudres. Une vente qui intervenait à peine deux ans après le début des émissions de la chaîne et alors que celle-ci était loin de remplir, aux yeux de nombreux observateurs, ses obligations en matière de diversité. Cette annonce intervenait au plus mauvais moment pour le CSA, déjà chahuté par la grève historique qui paralysait Radio France, présidée par Mathieu Gallet, nommé un an plus tôt par… le CSA.
Néanmoins, cette vente ne pouvait s’opérer sans autorisation préalable de l’autorité de régulation. C’est dans le cadre de l’instruction de cette demande d’autorisation que les choses vont se compliquer pour Numéro 23 et son président. Le CSA va découvrir l’existence d’un actionnaire russe, UTH, entré au capital de la société en 2013 avec un pacte d’actionnaire qui sera interprété comme un engagement de revente rapide à un autre repreneur. Dès lors, le CSA décide, en juin 2015, d’ouvrir une procédure de sanction à l’encontre de Numéro 23, une procédure qui va compliquer l’instruction de la cession de la chaîne à NextRadioTV.
Dans sa décision du 14 octobre 2015, le CSA relève « que les stipulations de ce pacte, conclu entre l’actionnaire majoritaire et UTH au cours de la période d’interdiction de changement de contrôle de deux ans et demi sur laquelle la société s’était engagée dans sa convention, visaient à une cession rapide de son capital. Cette opération a été dissimulée au Conseil malgré plusieurs relances de sa part, le pacte n’ayant été finalement reçu que le 25 mai 2015. »
Surtout, le Conseil considère que l’actionnaire majoritaire de Numéro 23 a « cherché avant tout à valoriser à son profit l’autorisation obtenue, dans la perspective d’une cession rapide » et poursuit une « telle démarche était constitutive d’un abus de droit entaché de fraude, en contradiction avec la finalité poursuivie par le législateur. »
Le CSA propose toutefois une porte de sortie pour Numéro 23, en laissant à son actionnaire jusqu’au 30 juin 2016 pour renoncer au pacte d’actionnaire et à la cession qu’il entraine. Pascal Houzelot, qui envisage d’utiliser tous les recours à sa disposition pour contrer la décision du CSA, dispose donc d’une fenêtre de huit mois pour trouver des soutiens afin de reconfigurer son périmètre juridique et consolider son activité sur le plan financier, afin d’envisager son éventuelle poursuite. Alain Weill, le dynamique patron de NextRadioTV ne devrait pas le laisser sans solution.
Si le CSA, avec cette décision, prend une revanche, réaffirme son autorité et son indépendance, la façon dont il va assurer son suivi sera très observée par les différents acteurs du paysage audiovisuel.