Le terme « lobbying » est désormais connu de la quasi-totalité des Français mais il souffre d’une image détériorée par une approche médiatique entachée par une défiance à l’égard de l’entreprise et, reconnaissons-le par certains comportements plus proches du trafic d’influence que du jeu normal du partage de connaissances et du plaidoyer en démocratie.
La semaine dernière, le retour de l’émission de France 2, Cash Investigation, s’est encore effectué en fanfare à la fois sur le dos des politiques et des entreprises. C’est une séquence de promotion du programme, qui a mis le feu aux poudres et déclenché la colère de l’ancienne ministre et députée européenne, Rachida Dati. L’extrait en question montre Élise Lucet, la journaliste totem de l’émission, poursuivre dans les couloirs du Parlement européen la députée qui refuse de répondre à ses questions et qui se borne à la moucher vertement.
La journaliste souhaitait connaître les relations entre une multinationale et la députée. Ses demandes de rendez-vous auraient été refusées, ce qui justifierait le harcèlement de l’élue par la journaliste.
Toujours la semaine dernière, c’est un rapport de l’organisation Corporate Europe Observatory (CEO) qui jette le trouble sur les méthodes de lobbying de l’industrie pharmaceutique à Bruxelles. Les laboratoires investiraient plus de 40 millions d’euros afin d’agir sur les décisions de Bruxelles et de les orienter. Ces fonds seraient utilisés pour différentes opérations de lobbying, dont certaines seraient discutables. CEO dénonce une action à la fois néfaste pour la santé et pour l’équité commerciale. L’industrie du médicament, toujours selon CEO, aurait augmenté son budget lobbying de 700% depuis 2012 et déploierait 176 lobbyistes dans les couloirs du Parlement européen et de ses différentes instances.
Une semaine, deux informations médiatiques qui jettent le trouble sur le lobbying et le monde de l’entreprise. Une outrance gênante qui a suscité toute sorte d’articles ou de tribunes destinées à défendre « la liberté de la presse », pourfendre « ces entreprises prêtes à tout pour le business » ou saluer le « courage » d’Élise Lucet.
Résultat : le lobbying est entaché et les entreprises soupçonnées des pires maux. C’est une fois de plus le monde économique et les entrepreneurs qui sont soupçonnés de ne se concentrer que sur la recherche du profit. Quant au lobbying, il est présenté comme leur bras armé pour obtenir ce qu’ils souhaitent et nourrir leur avidité d’argent…
Il existe, certes, des exagérations voire des comportements inacceptables. Néanmoins, n’oublions pas que nous évoluons dans un monde économique régulé et que des instances de contrôle sont également là pour intervenir. L’approche systématique de l’entreprise sous un angle critique voire caricatural marque les esprits et crée une ambiance de suspicion permanent parfaitement injuste et coûteuse pour la collectivité.
Or, le lobbying nous concerne tous. Les associations de consommateurs, les syndicats, les protecteurs de l’environnement et autres défenseurs du littoral sont également des porteurs d’intérêts, donc des lobbies. On objectera qu’ils se posent en défenseurs de l’intérêt général au contraire de l’entreprise qui, par définition, agirait pour des intérêts particuliers. Certes, néanmoins, le rayonnement de l’entreprise est également créateur de richesses pour la collectivité et, rappelons-le, d’emplois. Les entrepreneurs qui prennent et assument des risques, sont des rouages de notre modèle économique, sur lequel repose en grande partie notre modèle social de solidarité.
Or, le lobbying est également un rouage essentiel de notre démocratie. Il permet de faire entendre différentes positions avant que les responsables politiques ne prennent leurs décisions. Comment imaginer que le Gouvernement ou le législateur puissent agir de façon éclairée sans entendre ceux sur qui leurs décisions vont peser ?
Il y a une forme de populisme a systématiquement donner un éclairage à charge du rôle de l’entreprise et de l’apport du lobbying.
La lecture de certains articles est éclairante. Toute explication de l’entreprise est jugée suspecte, création de valeur et d’emplois sont tournés en dérision et présentés comme annexe face à de prétendues dérives du monde de l’entreprise.
Certains clients, me font part, de plus en plus souvent, de leurs réticences à utiliser ce terme. Au lancement de Sountsou, je refusais d’évoquer le lobbying, précisément en raison de cette image. Aujourd’hui, j’ai décidé de l’assumer et de le revendiquer. Je ne veux pas fléchir face aux diktats de certains journalistes qui s’auto-investissent justiciers sans faire la part des choses. Je ne veux pas, non plus, baisser les bras face à certaines méthodes de lobbying, qui existent mais restent minoritaires et dont je fais le pari qu’elles peuvent être combattues autrement qu’en jetant en pâture l’ensemble d’une profession.
La réalité est là : les entreprises ne s’expriment pas assez, elles n’entrent pas suffisamment en contact avec les politiques. Des décisions sont prises en parfaite méconnaissance de leurs réalités et elles coûtent cher à la collectivité. Le lobbying vise essentiellement à permettre aux entreprises et à leurs organisations de prendre la parole, de s’adresser aux élus en utilisant leur langage. Il ambitionne de permettre à ces deux mondes, présentés comme antinomiques, de se rencontrer.
Pour l’entreprise, le lobbying est un fabuleux outil créateur de valeur. Pour les décideurs publics, il est un vecteur d’informations et de transparence dans les analyses qui balisent le chemin de la prise de décision.
Mathieu Quétel, président de Sountsou
(Crédit photo : Transparency International)