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Radio France : les radios privées rançonnées

Le PDG de Radio France a officiellement présenté à la Ministre de la culture et de la communication son plan stratégique vendredi 3 avril, lors d’un rendez-vous qui a duré un peu plus d’1 heure 30, ce qui semble bien peu au regard de l’importance de l’entreprise mais il est vrai que la ministre en connaissait le contenu depuis plusieurs semaines.

Fleur Pellerin a fait connaître son accord sur ce plan, dans la foulée, en demandant que « le dialogue social soit renoué » et en insistant sur deux points : une dotation en capital supplémentaire pour assumer les dépassements de budget du chantier de rénovation de la Maison Ronde et un assouplissement des règles de diffusion de la publicité sur les antennes de Radio France.

Mercredi dernier la Cour des comptes publiait un rapport sans concession sur la gestion du service public de la radio. Intitulé « Radio France : les raisons d’une crise, les pistes d’une réforme » ce rapport, fruit d’un long travail d’audit, pointe les négligences de l’État et des présidents successifs de Radio France, responsables de la situation actuelle.

La ministre n’a visiblement pas eu le temps de lire ce rapport puisqu’elle procède, comme l’État l’a toujours fait dans ce dossier, par effets d’annonce, sans concertation, ni étude d’impact. C’est le cas pour la rallonge budgétaire annoncée mais non chiffrée, et surtout pour l’élargissement des annonceurs ayant droit d’être présents sur les antennes de Radio France.

Outre le fait que le service public ne respecte déjà pas les règles actuelles et ponctionne sans retenue, ni contrôle, le marché publicitaire, la ministre ne semble pas concernée par la situation de celui-ci. Or, les radios commerciales privées doivent affronter une crise publicitaire sans précédent. La baisse de leur chiffre d’affaires, qui a fondu de près de 20% depuis 2006, est structurelle. Elles sont notamment victimes d’un transfert de revenus vers les acteurs du numérique qui captent une part toujours plus importante des ressources publicitaires.

Les chiffres publiés par l’IREP sont clairs. La radio a vu son chiffre d’affaires perdre 1,6% en 2014, contre une progression de près de 5% pour le net et 35% pour les mobiles ! Le chiffre d’affaires de l’ensemble des radios a été en 2014 de 568 millions d’euros (quand le dérapage du chantier de Radio France atteint 584 millions), en 2006, il s’élevait à 661 millions. Ce sont près de 100 millions qui sont perdus pour le média.

Dans ce contexte, la décision de Fleur Pellerin est déconcertante. La ministre envisage de faire porter une partie de la charge de la crise financière de Radio France par un secteur privé lui-même plongé dans une crise sans précédent.

Les bons mots politiques et business de la semaine

Semaine politique et économique, bilan des Départementales, demandes du MEDEF, primaires à l’UMP et rififi au PS.

Pierre Gattaz, dans Le Talk – Le Figaro, le mardi 31 mars

« Alors que les Français attendent de l’emploi, du pouvoir d’achat et un sens, il faut absolument jouer la carte de l’entreprise, car l’entreprise amène une solution à ces trois problèmes-là »

« Monsieur l’État, gardez votre argent, gardez vos subventions, mais baissez le coût du travail, baissez les charges »

François Hollande, aux perdants des Départementales, cité par Le Canard Enchaîné du 1er avril

« Je mesure l’étendue des dégâts. Je suis triste pour vous. Mais nous devons faire de cette défaite un tremplin. Avec un FN qui grimpe et un Sarko qui pointe son nez, qui osera jouer la division ? » « Les frondeurs, la plupart d’entre eux, Duflot, Mélenchon, quelques autres, c’est le club du 21 avril »

Manuel Valls, sur RMC et BFMTV le mardi 31 mars

« La hausse cumulée des impôts depuis des années, et la droite y a pris une part très importante, a créé un effet de ras-le-bol qui a étouffé l’économie française pour les entreprises, et qui a mis très en colère les Français »

Alain Juppé, au sujet des primaires de l’UMP, interviewé par La Tribune du 2 avril

« S’il s’agit d’une primaire ouverte à tous les sympathisants de la droite et du centre, j’aurai ma chance. En revanche, si le scrutin est bidouillé pour rééditer le scénario de l’élection du président de l’UMP, cette élection ne sera pas de nature à créer une véritable dynamique. Si la deuxième option prévaut, je me présenterai donc, je l’ai déjà annoncé, au premier tour de l’élection présidentielle de 2017 »

Emmanuel Macron, cité par le Figaro-Économie du 31 mars

Le Ministre annonce une Loi Macron II afin de « continuer à la fois le déverrouillage de l’économie française et d’accélérer la reprise qui est en cours »

Stéphane Le Foll, Le Figaro du 2 avril

« Il n’y a pas aujourd’hui, le premier ministre l’a dit devant le groupe socialiste, de décision d’une nouvelle loi (Ndlr : Macron) et, si elle devait arriver, c’est le premier ministre qui l’annoncera »

Bruno Le Maire, au sujet des Départementales, cité par Le Canard Enchaîné du 1er avril

« C’est ça, le danger. Désormais, Sarko va systématiquement jouer du risque de la division à droite mais ça ne doit pas nous arrêter. Il prend la main, mais ça ne change rien, on est en mars 2015, et les Français voudront autre chose en 2017 »

Laurent Ruquier, au sujet de ses « regrets » d’avoir « banalisé » les idées d’Éric Zemmour en l’exposant dans son émission On N’est Pas Couché sur France 2, interviewé par L’Obs daté du 2 avril

« Je répondais à François de Closets qui prétendait que les opinions de Zemmour n’étaient pas présentes dans les médias. Au contraire, je suis bien placé pour savoir que Zemmour est très présent dans les médias. Cela ne me gêne pas, même si je ne partage pas ses idées »

Jean-Louis Debré, au sujet de ses collègues du Conseil constitutionnel, interviewé par L’Obs du 2 avril

« Si vous saviez, ils sont parfois d’un ch… » « Mais je les adore, bien sûr, tous, sans exception. Nous formons une vraie communauté de neuf, nous vivons tous les jours ensemble… »

Martine Aubry, cité par Le Figaro du 2 avril

« Il est insupportable qu’on dise, comme le premier ministre le soir du premier tour, que c’est une victoire car le FN n’est pas la première formation politique de France » « C’est une aberration de dire qu’il qu’il n’y a pas de demande de gauche ou de dire que c’est la faute des frondeurs »

Pascal Houzelot, l’homme de la semaine

Il s’appelle Pascal Houzelot, il est le patron-fondateur de Numéro 23, jeune chaîne de l’audiovisuel créée il y a à peine deux ans et déjà revendue contre une belle somme. Un exploit.

Vous ne connaissez peut-être pas cette chaîne Numéro 23, ce qui ne serait pas surprenant, puisqu’elle ne réalise qu’un score de 0,7% d’audience. Officiellement lancée il y a à peine deux ans par Pascal Houzelot  et quelques associés, elle devait être la chaîne de la diversité sous toutes ses formes. En réalité, elle diffuse des séries et des documentaires, essentiellement américains et peu coûteux.

Numéro 23 présentait dès sa naissance d’incontestables atouts. D’abord, l’entregent de son fondateur qui avait su convaincre le CSA de lui attribuer cette fréquence, gratuite, avec le soutien il est vrai, de quelques personnalités. Par exemple, David Kessler, ancien conseiller audiovisuel de Lionel Jospin et pendant quelques mois celui du Président de la république, François Hollande. Un poste occupé après l’attribution de la fréquence en or à Monsieur Houzelot. La fréquence que lui a attribuée le CSA bénéficie d’un cahier des charges particulièrement favorable puisqu’il en fait une chaîne de télévision généraliste, c’est à dire très libre en ce qui concerne les contenus.

Pascal Houzelot, déjà fondateur il y a quelques années de Pink TV, une chaîne pornographique du câble et du satellite, réussit en deux ans un exploit : revendre 90 millions d’euros une chaîne qui existe à peine mais qui détient un droit d’émettre qui ressemble, en l’espèce, à un ticket du Loto. NextRadioTV, le groupe d’Alain Weill, réussit, comme souvent, un joli coup puisqu’il renforce son offre dans un marché télévisuel en pleine mutation.

Le petit monde de l’audiovisuel est en ébullition après l’annonce de cette transaction, à la veille du week end de Pâques. Nombreux sont ceux à s’étonner de la cession si rapide de cette fréquence « donnée gratuitement » par le CSA.

Radio France, l’État incapable de gérer ses entreprises

Radio France vit une crise financière et sociale profonde qui, outre les incontestables manquements internes, montre les limites de l’État actionnaire.

Les révélations du Canard Enchaîné du 18 mars, sur les travaux de rénovation du bureau du PDG, ont soudainement placé sur le devant de la scène, la crise financière que traverse Radio France. Les tensions internes, trop longtemps contenues, ont alors violemment éclaté au grand jour. Les salariés n’en peuvent plus d’attendre, sans connaître l’avenir de leur Maison. Une grève reconductible et illimitée est alors votée dans l’espoir d’obtenir enfin les réponses à leurs questions autrement que par voie de presse.

Des réponses, Radio France en a besoin, rapidement. Le service public de la radio devrait connaître en 2015 le premier déficit de son histoire à plus de 20 millions d’euros, en 2019 ce sont 50 millions d’euros de pertes qui sont attendus si aucune réforme n’est engagée.

Mais ce n’est pas tout. Radio France s’est lancée dans un titanesque chantier de rénovation de ses locaux il y a près de 10 ans, le coût de ces travaux frôle aujourd’hui les 600 millions d’euros, contre une estimation desdits travaux à 174 millions d’euros en 2004… Dans son rapport de 2014 sur Radio France, la députée Martine Martinel estimait que les surcoûts étaient dus pour deux tiers à des décisions de l’entreprise.

Concomitamment, alors que les entreprises audiovisuelles privées se réformaient, en passant souvent par de drastiques plans d’économies, Radio France s’exonérait de toute réforme. Son dernier PDG, Jean-Luc Hees se vantant même, au moment de son départ, d’avoir réussi l’exploit de préserver l’entreprise de toute remise en question, notamment en ce qui concerne ses salariés.

Dans ce contexte, l’État a encore alourdit la barque en ne versant pas l’intégralité des sommes budgétisées pour Radio France et souhaite encore réduire la voilure  pour les années à venir tout en demandant à son PDG de ne pas créer de vague…

Le Canard Enchainé du 25 mars en rajoute en révélant que Mathieu Gallet aurait pris pour son seul service un conseiller en communication pour 90.000 € annuels alors que Radio France dispose bien évidemment d’un service communication compétent. Une succession d’erreurs, certes choquantes dans une situation de crise profonde, mais tout de même loin des 500 millions d’euros d’explosion du budget de rénovation de son entreprise !

Ce qui s’apparente à un gâchis est frappant à plus d’un titre. Mathieu Gallet, a été nommé par le CSA en avril 2014, il semble n’avoir découvert l’ampleur de la catastrophe que récemment, ce qui tend à démontrer de multiples dysfonctionnements à différents niveaux de la hiérarchie et de l’État.  Ses échanges avec le gouvernement se déroulent visiblement dans un climat de défiance et il apparait peu soutenu quand sa tutelle devrait, au contraire, se mobiliser à ses côtés. En arrière plan, on perçoit des petits calculs politiciens avec en toile de fond la désignation prochaine par le CSA du PDG de France Télévision, affaiblir Mathieu Gallet, revient à affaiblir le CSA qui l’a nommé… En application d’une loi voulue par la nouvelle majorité et votée en 2013.

Le service public de la radio semble pris dans une nasse. Un État inconséquent, un PDG peut-être insuffisamment « charpenté » pour gérer une entreprise de cette taille et de cette complexité, un climat social tendu, des calculs politiques déplacés… La Cour des comptes devrait en outre publier dans les prochains jours un rapport, annoncé comme très sévère, sur la gestion passée de Radio France.

Il n’en reste pas moins que Mathieu Gallet, arrivé il y a moins d’un an, ne peut être tenu pour responsable de la dérive incontrôlée dont a été victime Radio France depuis de nombreuses années. L’État devrait assumer ses responsabilités.

Mathieu Quétel, président de Sountsou

C’est la semaine de l’industrie

Il y a trois ans, le rapport de Louis Gallois tirait la sonnette d’alarme sur la dangereuse désindustrialisation de la France. Ce lundi commence la semaine de l’industrie, l’occasion d’un état des lieux.

L’INSEE a récemment confirmé que le salaire moyen français est désormais plus faible que celui des Allemands (37,10 euros contre 38,40 euros). Les industriels semblent en avoir pris acte, puisque Renault vient d’annoncer le recrutement de 1000 CDI et PSA l’installation, en Lorraine, au détriment de l’Espagne, d’une unité de production de moteurs.

L’Observatoire Trendeo annonce, de son côté, que l’industrie crée de plus en plus d’emplois quand le nombre d’ouverture d’usines augmente et que celui des fermetures baisse. Des signes encourageants alors que la France n’est pas encore sortie de la crise et que les effets concrets sur les chiffres du chômage se font attendre.

L’industrie française bénéficie également de la baisse du pétrole, de celle de l’euros mais conserve un taux de marge moyen, certes en progression, mais qui reste en deçà de celui de l’Allemagne. Le déficit commercial s’est encore détérioré en 2014 de 2 milliards d’euros…

Bref, le combat contre la désindustrialisation de la France n’est pas gagné. En outre, il ne faut pas perdre de vue la compétitivité accrue de l’Espagne que Louis Gallois décrit comme « l’atelier de l’Europe ».

Reste que le CICE n’est pas encore tout à fait en vitesse de croisière et que de nouvelles mesures d’accompagnement devraient être annoncées prochainement par le gouvernement. Celles-ci devraient prioriser les soutiens à l’investissement dans l’appareil productif et la mobilisation des liquidités françaises et européennes en direction de l’industrie.