L’époque a changé. Les élus sont désormais soumis à une observation quasi-permanente des chaines d’information en continu et, surtout, des réseaux sociaux. Les nouvelles obligations de transparence entraînent une mise en lumière de pratiques autrefois méconnues du grand public et inacceptables à ses yeux. Les cadeaux en font partie, ils sont les outils toujours appréciés des adeptes du « lobbying à la papa », qui prennent le risque d’abîmer leur marque et d’exposer inutilement les élus qui bénéficient de leurs prodigalités.
Sous le titre « les petits cadeaux d’un cigarettier aux députés », BFM TV a « révèlé » le vendredi 22 septembre 2017, les cadeaux offerts par un fabricant de cigarettes à 53 députés, dont l’article cite les noms. Au menu de ces prodigalités, des places en loge pour Roland Garros, des bouteilles de champagne, des avant-premières de films, pour un total de… 6629 euros. Certes, la chaîne d’information en continu signale que deux parlementaires ont cumulé 20% de ces cadeaux et que ce sont les députés les plus investis dans la défense d’amendements pro-tabac mais peut-on raisonnablement penser qu’ils se seraient laisser « acheter » pour environ 500 € ?
Au fil de la journée de vendredi, l’information a été reprise par de nombreux sites internet et les titres d’accroche sont devenus de plus en plus alléchants : « Lobbying : 53 parlementaires ont reçu des cadeaux d’un cigarettier » (L’Express), « Lobbying de l’industrie du tabac : ces parlementaires qui ont reçu un cadeau » (LCI), « Lobbying : les gros cadeaux des fabricants de tabac aux députés et sénateurs » (20minutes.fr) etc.
Cette actualité nous rappelle que les stratégies de lobbying doivent obligatoirement s’adapter à notre époque. Le bon vieux « lobbying à la papa », basé sur le carnet d’adresses et sur les cadeaux, entre autres méthodes traditionnellement utilisées par ses adeptes, devrait être banni de toute démarche d’influence. L’exemple de ce cigarettier montre à quel point ces pratiques exposent non seulement ses marques (largement citées dans les articles de presse) mais également, et c’est probablement le plus grave, des parlementaires qui n’ont vraisemblablement rien demandé et dont les noms sont livrés sans aucune précaution.
Au-delà, ce sont les démarches de lobbying qui sont visées et la défense, pourtant légitime, des représentants d’intérêts auprès des pouvoirs publics qui est une nouvelle fois inutilement mise en question. Le lobbying est devenue la « tarte à la crème » de tout article dont l’objectif est de dénoncer une prétendue collusion entre monde économique et politique ou de pointer un pseudo-scandale que les commentateurs, « experts » et les chaînes d’information en continu se chargeront de monter en épingle.
En réalité, sur cette affaire du cigarettier, il ne s’est pas passé grand chose. Son énorme budget dédié au lobbying est certes dévoilé, comme le prévoit la loi, mais pour une industrie très exposée aux règlementations contraignantes et ciblée par de nombreuses politiques publiques, il paraît légitime d’organiser sa défense. Au passage, on notera que les sommes mobilisées n’ont pas permis d’empêcher la mise en place du paquet neutre ou les différentes mesures qui ont abouti à l’augmentation régulière et brutale du paquet de cigarette. En conséquence, contrairement à ce que pourrait laisser croire le traitement de ces « cadeaux à 53 députés », ce lobbying n’a pas été aussi efficace qu’il n’y parait et la corruptibilité de nos élus est très loin d’être démontrée.
Néanmoins, entreprises et élus doivent tenir compte de cette nouvelle réalité et de leur exposition quasi permanente à la critique. Il parait vain de tenter de lutter contre cette observation des comportements et cette recherche de transparence. Elles doivent donc induire de nouveaux comportements, que les entreprises et les Fédérations professionnelles intégreront dans leurs méthodes de lobbying.
Le lobbying incarné, basé sur la démonstration doit être privilégié. L’influence doit mieux s’adapter au mode de fonctionnement des élus et des dirigeants politiques en les accompagnant dans la prise de décision par l’apport de données vérifiées et sourcées. Certes, une relation humaine peut se construire sur la durée mais elle doit être basée sur autre chose que des cadeaux qui, inévitablement, seront exploités pour ternir l’image à la fois des entreprises et des élus.