Retrouvez le nouveau numéro de l’émission de RDE, la Radio des Entreprises, « Lobby or not Lobby » consacré aux enseignements du combat autour de la loi travail. Le journaliste Simon Janvier et Mathieu Quétel, président de Sountsou-Affaires Publiques font le point sur le combat de plusieurs mois contre la loi travail.
« Lobby or not Lobby » est l’émission de l’actualité du lobbying avec des analyses et des conseils pratiques pour les chefs d’entreprise et les Fédérations professionnelles. Vous pouvez écouter « Lobby or not Lobby » sur la Radio des entreprises en direct ou en podcast.
Écoutez la dernière émission ici ou lisez l’entretien ci-dessous.
Simon Janvier : Bonjour et bienvenue pour ce nouveau rendez-vous de « Lobby or not lobby » avec Mathieu Quétel, président de Sountsou – Affaires Publiques. Mathieu, bonjour, la loi travail est en passe d’être finalement adoptée, la rue s’apaise, finalement tout rentre dans l’ordre en ce début d’été.
Mathieu Quétel : Bonjour Simon. L’ordre, un mot qui sonne étrangement après les quatre mois d’agitation et de violence de rue que nous venons de traverser. Le PS en est tout de même réduit à annuler son université d’été à Nantes pour raisons de sécurité en lien direct avec ce bazar. Néanmoins, le texte final n’est pas si inintéressant que cela, notamment pour les PME, même si on a le sentiment d’un rendez-vous manqué et d’une réforme inachevée.
Quels enseignements peut-on tirer de cette période de 4 mois ?
Je vois quatre enseignements à tirer, une réforme ne s’initie pas en fin de mandat, la consultation des acteurs est incontournable, la radicalité d’un côté comme de l’autre est source d’échec assuré pour tout le monde, enfin, il faut expliquer le sens des réformes. Si ces règles s’appliquent bien entendu à un gouvernement, elle s’applique également au monde de l’entreprise dans son dialogue avec l’Etat au sens large.
Du côté de l’entreprise, c’est malgré tout un peu plus compliqué. Les syndicats professionnels ne maitrisent pas forcément le timing institutionnel par exemple.
C’est vrai, le gouvernement et le législateur sont à la manœuvre pour faire passer des lois, décrets et règlements un peu à la volée. Il s’agit, selon moi, d’une dérive institutionnelle qui doit être combattue. En effet, le monde économique a besoin de stabilité pour réussir et les multiples revirements qui viennent le parasiter régulièrement ne sont bons ni pour les entreprises, ni pour leurs salariés, ni pour la compétitivité de notre pays en général. C’est pour cela qu’il faut un dialogue permanent.
Alors qu’est-ce qui n’a pas fonctionné selon vous dans la loi travail ?
Soyons honnêtes, d’abord un gouvernement radical qui joue les uns contre les autres et qui ne prépare pas sa réforme. Les premières déclarations va-t-en-guerre du Premier ministre et de sa ministre du travail ont provoqué inutilement les syndicats de salariés. Disons-le franchement, les syndicats patronaux n’ont pas été au top de leur forme, ils ont claironné leur satisfaction un peu vite, suscitant la colère de la CGT.
Les patrons seraient responsables de cet échec ?
En partie, oui. Ils ont manqué de finesse politique lors de la présentation de la loi. La radicalité gouvernementale, la satisfaction affichée du Medef, le manque de concertation avec les syndicats de salariés, tout cela a créé un mix qui s’est transformé en échec assuré.
Au début, en effet, les Français étaient assez favorables à cette réforme des règles du travail.
Dans les premiers jours, 80% environ des Français étaient favorables à la réforme. Puis, il y a eu cette pétition numérique signée par 1,3 million de personnes et la tendance s’est inversée : Les Français ont eu le sentiment d’avoir été trompés. Dans cette seconde phase, les opposants ont tenu les micros et la rue pendant des semaines sans véritable contradiction, ils se sont organisés et ont pris les entrepreneurs pour cibles.
On a l’impression que le mouvement s’est radicalisé assez rapidement.
C’est en effet ce qu’il s’est passé. La CGT est en perte de vitesse, elle avait besoin de se réaffirmer, la loi travail n’a été q’un moyen de se relégitimer, peu importe le prix à payer. Face à la CFDT, réformiste toujours ouverte au dialogue, la CGT a réinvestit par la rue et la violence, le terrain de la radicalité. Elle a perdu au passage beaucoup de crédibilité et les dernières manifestations, clairsemées, peinent à convaincre sur la possibilité pour cette stratégie de payer sur le moyen long terme.
Le gouvernement n’a pas été très brillant non plus dans cette affaire.
Du côté gouvernemental, nous avons assisté à une implosion de la majorité. Les deux gauches se sont montrées irréconciliables, François Hollande et Manuel Valls souhaitent imposer une social-démocratie pour envisager la présidentielle de 2017 plus sereinement. Les tiraillements internes au PS sont tels qu’il est probable que la rentrée réserve quelques surprises de taille. Les frondeurs vont-ils accepter de soutenir François Hollande s’il gagne la primaire de décembre ? Après cette loi travail, Manuel Valls l’a reconnu devant l’Assemblée Nationale, il ne dispose plus que d’une majorité relative.
Et la CGT annonce qu’elle va maintenir la pression tout l’été en organisant des opérations coup de poing sur les lieux de vacances.
Elle ne sait pas comment sortir par le haut de cette affaire mais la rentrée sera un autre moment. En tout cas cette longue séquence de 4 mois, assez insupportable, montre que les règles institutionnelles bougent, le monde de l’entreprise doit également envisager ses stratégies de lobbying différemment. On ne peut plus ignorer les réseaux sociaux, on doit envisager la communication avec les Français différemment, sans doute plus directement, sans filtre et avec transparence.
Nous aurons l’occasion d’en reparler lors d’un prochain numéro de « Lobby or not lobby ». Merci Mathieu Quétel, je rappelle que vous êtes le président de Sountsou- Affaires Publiques.