Un extrait de l’ouvrage « Entrepreneurs, faites-vous entendre des politiques – Secrets du lobbying efficace ».
On se demande souvent ce que deviennent les élus battus aux élections, ou nos hauts responsables qui sont amenés à quitter leurs fonctions, il faut admettre que pour un certain nombre d’entre eux le rebond est difficile. Pour d’autres, la suite est plus confortable, ils font commerce de leur précieux carnet d’adresse et le mettent au service de prestigieuses entreprises pour faire du lobbying, ce pantouflage en lobbying est rémunérateur…
On ne compte plus le nombre d’anciens parlementaires ou de titulaires de portefeuilles ministériels qui sont devenus avocats. Un décret (abrogé en 2013) prévoyait même leur passage facilité vers la profession d’avocat. Néanmoins, pour les énarques, une équivalence continue d’exister et, pour les autres, le deuxième alinéa de l’article 11 de la loi du 31 décembre 1971 dispose qu’il faut « Etre titulaire, sous réserve des dispositions réglementaires prises pour l’application de la directive 2005 / 36 / CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005, et de celles concernant les personnes ayant exercé certaines fonctions ou activités en France, d’au moins une maîtrise en droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents pour l’exercice de la profession par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé des universités ».
Le pantouflage en lobbying des députés
Ce virus de l’avocat qui a touché les politiques frappe également les parlementaires en activité qui ont de plus en plus recours à ce statut pour développer des activités en parallèle de leur mandat électif. En effet, il est interdit aux parlementaires de s’installer en tant que consultants, en revanche, ils peuvent être avocats. Cette fonction leur permet donc de développer une activité en plus de leur mandat. Il s’avère que ces avocats un peu particuliers ne plaident que rarement, voire jamais et que leurs activités relèvent assez souvent du conseil.
Il n’est bien entendu pas question de porter la suspicion sur l’ensemble de ces parlementaires qui souhaitent se rapprocher du « monde réel » pendant leur mandat, et encore moins de refuser aux politiques qui ne disposent plus de mandat électif ou de fonction ministérielle une juste reconversion. Néanmoins, cette attirance pour la robe ne manque pas d’intriguer.
On observera tout de même que de nombreux cabinets d’avocats d’affaires revendiquent depuis plusieurs années une activité de lobbying. Il est aisé donc d’être un avocat, ancien politique, parfois même ancien ministre, et de mettre au service d’entreprises son carnet d’adresses…
Les politiques français ne sont pas les seuls à se consacrer à des activités d’influence en marge de leur mandat ou dans une nouvelle vie professionnelle post responsabilités publiques.
Le pantouflage en lobbying au sein des géants du net
Ainsi, la compagnie Uber vient de créer une sorte de Board en lobbying, avec son « comité de conseil en politique publique ». Lorsque l’on s’intéresse aux personnalités retenues pour figurer dans ce « comité » on comprend mieux à la fois les objectifs et les ambitions d’Uber : un ancien secrétaire américain aux Transports, l’ex-président de l’autorité de la concurrence australienne, une princesse saoudienne ou encore un ancien Premier ministre péruvien… Neelies Kroes a rejoint cet aréopage en mai 2016, l’ancienne commissaire européenne en charge des nouvelles technologies avait défendu Uber contre les autorités belges en 2014.
Uber frappe très fort et on perçoit bien comment le géant américain estime pouvoir régler les multiples problèmes réglementaires auxquels il est confronté à travers le monde. Entregent et carnets d’adresse gonflés à bloc devraient lui permettre de lever des blocages ici et là. Une méthode radicale et un peu caricaturale à la hauteur des enjeux.
Uber n’est pas le seul géant du net à se doter d’un comité de lobbyistes prestigieux et qui connaissent parfaitement les salons ouatés des lieux de pouvoirs du monde entier. Google est devenu expert en la matière, ses dépenses en actions d’influence en font l’un des premiers acteurs à Bruxelles (voir le chapitre « les millions du lobbying » de l’ouvrage « Entrepreneurs, faites-vous entendre des politiques-Secrets du lobbying efficace »), ses recrutements au sein du vivier de fonctionnaires ont été récemment pointés du doigt par l’association Transparency International qui relève que 70 fonctionnaires européens auraient été recrutés par la firme américaine en 10 ans afin d’assurer différentes missions de lobbying. Là où Google commence à montrer sa puissance et son réseau d’intelligence économique c’est dans sa capacité à disposer de collaborateurs qui font des allers et retours entre des fonctions internes et des prises de postes au sein des institutions de différents pays européens. Une façon efficace de tenter d’influer sur les décisions.
Le pantouflage en lobbying des responsables européens
Le dernier haut responsable politique international à avoir fait l’objet d’un recrutement par une firme est Manuel Barroso, l’ancien Président de la Commission européenne qui vient de rejoindre Goldman Sachs. La première banque d’affaires du monde est une spécialiste de ces recrutements prestigieux qui viennent consolider en permanence un réseau d’influence planétaire au plus haut niveau comme le décrit Marc Roche dans son livre « La Banque » (Albin Michel). Comme Google, d’anciens dirigeants de la Banque deviennent également des responsables politiques de haut vol.