Radio France vit une crise financière et sociale profonde qui, outre les incontestables manquements internes, montre les limites de l’État actionnaire.
Les révélations du Canard Enchaîné du 18 mars, sur les travaux de rénovation du bureau du PDG, ont soudainement placé sur le devant de la scène, la crise financière que traverse Radio France. Les tensions internes, trop longtemps contenues, ont alors violemment éclaté au grand jour. Les salariés n’en peuvent plus d’attendre, sans connaître l’avenir de leur Maison. Une grève reconductible et illimitée est alors votée dans l’espoir d’obtenir enfin les réponses à leurs questions autrement que par voie de presse.
Des réponses, Radio France en a besoin, rapidement. Le service public de la radio devrait connaître en 2015 le premier déficit de son histoire à plus de 20 millions d’euros, en 2019 ce sont 50 millions d’euros de pertes qui sont attendus si aucune réforme n’est engagée.
Mais ce n’est pas tout. Radio France s’est lancée dans un titanesque chantier de rénovation de ses locaux il y a près de 10 ans, le coût de ces travaux frôle aujourd’hui les 600 millions d’euros, contre une estimation desdits travaux à 174 millions d’euros en 2004… Dans son rapport de 2014 sur Radio France, la députée Martine Martinel estimait que les surcoûts étaient dus pour deux tiers à des décisions de l’entreprise.
Concomitamment, alors que les entreprises audiovisuelles privées se réformaient, en passant souvent par de drastiques plans d’économies, Radio France s’exonérait de toute réforme. Son dernier PDG, Jean-Luc Hees se vantant même, au moment de son départ, d’avoir réussi l’exploit de préserver l’entreprise de toute remise en question, notamment en ce qui concerne ses salariés.
Dans ce contexte, l’État a encore alourdit la barque en ne versant pas l’intégralité des sommes budgétisées pour Radio France et souhaite encore réduire la voilure pour les années à venir tout en demandant à son PDG de ne pas créer de vague…
Le Canard Enchainé du 25 mars en rajoute en révélant que Mathieu Gallet aurait pris pour son seul service un conseiller en communication pour 90.000 € annuels alors que Radio France dispose bien évidemment d’un service communication compétent. Une succession d’erreurs, certes choquantes dans une situation de crise profonde, mais tout de même loin des 500 millions d’euros d’explosion du budget de rénovation de son entreprise !
Ce qui s’apparente à un gâchis est frappant à plus d’un titre. Mathieu Gallet, a été nommé par le CSA en avril 2014, il semble n’avoir découvert l’ampleur de la catastrophe que récemment, ce qui tend à démontrer de multiples dysfonctionnements à différents niveaux de la hiérarchie et de l’État. Ses échanges avec le gouvernement se déroulent visiblement dans un climat de défiance et il apparait peu soutenu quand sa tutelle devrait, au contraire, se mobiliser à ses côtés. En arrière plan, on perçoit des petits calculs politiciens avec en toile de fond la désignation prochaine par le CSA du PDG de France Télévision, affaiblir Mathieu Gallet, revient à affaiblir le CSA qui l’a nommé… En application d’une loi voulue par la nouvelle majorité et votée en 2013.
Le service public de la radio semble pris dans une nasse. Un État inconséquent, un PDG peut-être insuffisamment « charpenté » pour gérer une entreprise de cette taille et de cette complexité, un climat social tendu, des calculs politiques déplacés… La Cour des comptes devrait en outre publier dans les prochains jours un rapport, annoncé comme très sévère, sur la gestion passée de Radio France.
Il n’en reste pas moins que Mathieu Gallet, arrivé il y a moins d’un an, ne peut être tenu pour responsable de la dérive incontrôlée dont a été victime Radio France depuis de nombreuses années. L’État devrait assumer ses responsabilités.
Mathieu Quétel, président de Sountsou