Sans surprise, les élections au Sénat du 24 septembre n’ont pas été bonnes pour la majorité. Toutefois, prudence en ce qui concerne les analyses trop rapides, en outre, la Haute Assemblée reste un lieu de débat, hors de la pression du politique.
Les dirigeants de Les Républicains (LR) ont légitimement crié victoire, dimanche soir, puisque leur groupe passe de 142 à 171 élus. Après avoir subit une humiliation au premier tour de la présidentielle, tout en limitant les dégâts aux législatives, ils ont donc pris leur revanche au Sénat, au moins en apparence. Les commentateurs signalent le « premier échec électoral d’Emmanuel Macron » et émettent diverses hypothèses sur les raisons de cette déconvenue, la principale est résumée par Gérard Larcher lorsqu’il pointe les erreurs du gouvernement en direction des élus locaux.
Néanmoins, la composition du collège électoral des « grands électeurs » du Sénat doit relativiser la déroute sénatoriale de LREM. Il était impossible pour ce jeune parti, sans relais réels dans les territoires d’envisager sérieusement bousculer les équilibres au sein du Sénat. Le parti de la majorité doit désormais essentiellement miser sur les ralliements qu’il sera en mesure de susciter dans les prochaines semaines pour renforcer son groupe politique au Sénat qui ne compte plus que 24 membres. Il va également tenter de réunir une majorité ponctuelle sur des projets de loi thématiques. Pourra-t-il compter sur les divisions au sein du groupe majoritaire du Sénat ou sur celles du Parti Socialiste ? Peut-être que le groupe, hétéroclite, des centristes, et ses 41 élus constituera un soutien essentiel…
Quoiqu’il en soit, ce mauvais résultat met en évidence la jeunesse de La République En Marche (LREM) ainsi que le manque d’expérience d’un grand nombre de ses députés, sur lesquels repose sa stratégie de maillage territorial. Les prochaines élections locales s’imposent d’ores et déjà comme un rendez-vous très important pour LREM, elles imprimeront la seconde phase de son déploiement dans les villes et campagnes françaises. Gage de son ancrage durable dans le paysage politique français.
En tout cas, ces sénatoriales permettent au Parti Socialiste de limiter les dégâts. La prime est naturellement aux partis qui comptent un grand nombre d’élus locaux. Le résultat de ces élections offre une vision de ces partis très décalées par rapport aux divisions internes et aux fortes tensions qui les traversent. Leur enjeu est désormais de réussir leur refondation afin d’être prêts pour les prochaines échéances électorales. Il reste ambitieux.
Quant au Sénat, il reste le lieu du débat et des propositions prospectives pour le gouvernement. Le considérer comme une Assemblée « dépassée » composée « d’anciens élus » est un peu court. Les sénateurs travaillent, ont une approche et une réflexion moins soumises aux tensions de l’actualité politique. Ces élections sénatoriales, rappellent que la Haute Assemblée est un lieu important pour les stratégies d’influence, il est nécessaire d’y être entendu. Elles constituent également une remise en perspective du rôle des territoires, fortement renforcés par la loi NOTRe et par les dispositifs anti-cumul des mandats.
Les entreprises et les Fédérations professionnelles doivent, en conséquence, réfléchir sérieusement à leur lobbying territorial, plus stratégique que jamais. Elles doivent également intégrer que les lieux d’influence sont désormais multiples et qu’il ne serait pas raisonnable de s’en tenir à un carnet d’adresses bien fourni pour espérer peser sur le débat public.